Bateau canonnier de 60 pieds

Modèle An XII

de Pierre Alexandre Laurent FORFAIT (1752 - 1807)

Présentation d’une monographie au 1/36ème par Sophie Muffat, Pierre Grandvilliers et Denis Désormière

La monographie a reçu les distinctions suivantes :

Médaille 2013 de l'Académie de Marine

Ouvrage recommandé par la Fondation Napoléon

Ouvrage recommandé par l'International Napoleonic Society

 

 

Le bateau canonnier - Modèle en charpente de Pierre Grandvilliers

 

Les auteurs décrivent ici un petit bâtiment construit à plusieurs centaines d’exemplaires pour la flotille de Boulogne, en vue d’une tentative d’invasion de l’Angleterre par les armées du Premier Empire.

Dans la première partie du livret, l’approche historique, rédigée par Sophie Muffat, membre de la Sabretache, s’attache à décrire les différentes tentatives d’invasions.

Couverture du livret de la monographie

1 - L’étude historique

L’invasion de l’Angleterre par des bateaux plats est une idée récurrente depuis l’Antiquité. Si on considère l’ensemble des tentatives, seule celle de Guillaume le Conquérant fut véritablement couronnée de succès, et ce, jusqu’au dernier essai, celui tenté entre 1803 et 1805 par Napoléon. La construction de bateaux plats de différentes sortes n’a été qu’un des aspects de cette tentative avortée de conquête. Napoléon a également fait construire des ports coûteux, des arsenaux, des vaisseaux, organisé et réorganisé sans fin la marine pour finir le 26 août 1805, par abandonner ce projet pharaonique et aller battre la troisième coalition à Austerlitz, le 02 décembre 1805.

Entre février 1803 et le 26 août 1805, l’ingénieur Forfait et ses plans de bateaux plats, de forts flottants très coûteux et irréalisables, et ses idées fantaisistes avait fini par convaincre Napoléon de construire des bateaux canonniers, chaloupes canonnières, péniches et autres embarcations, pour transporter des troupes et leur armement. Il s’opposait au ministre Decrès, très virulent quant à l’efficacité de ces embarcations, et à la plupart des amiraux, qui considéraient Forfait et ses idées farfelues comme, sans doute, un bon ingénieur naval, puisqu’il fut considéré en son temps comme le rival de Sané, mais également comme un mauvais tacticien.Le choix du port de Boulogne portait déjà à controverse puisqu’il était considéré déjà sous Louis XV comme un des « plus mauvais ports de la Manche ». Que dire d’Etaples, minuscule, d’Ostende, malsain.  Tous les ports de la flottille seront pourtant construits ex nihilo comme Wimereux, bâti sur un marais, ou rénovés par l’ingénieur Sganzin, véritable faiseur de miracles en termes de génie. Il sera également un des artisans des camps construits à proximité pour loger les troupes, lesquels seront organisés de façon très réglementée, chaque camp possédant son propre état-major, chacun d’entre eux soumis à un état-major général, commandé par le général Berthier.

La flottille elle-même est organisée comme une division terrestre et constamment remaniée. Entre les escouades, les sections, les divisions créées en 1803, et qui changent constamment de composition et enfin les escadrilles crées en 1804, qui seront transformées jusqu’en juillet 1805, on assiste à la mise en œuvre laborieuse d’une organisation très compliquée, et qui change même selon la nature des bateaux, les escadrilles de bateaux canonniers comportant plus de bateaux que celles des chaloupes ou des péniches. Pour compliquer le tout, l’Empereur et ses amiraux ne sont pas d’accords sur le nombre d’hommes à embarquer sur les bateaux canonniers, le nombre variant entre 90 et 130 hommes ; le nombre finalement arrêté sera de 95 hommes, mais en juillet 1805…

Outre les hommes, ce sont les chevaux qu’il faut transporter, et l’artillerie embarquée, les outils, les armes, les vivres pour deux semaines et l’eau, l’avoine pour les chevaux.

En filigrane de ce projet véritablement ambitieux, que ce soit en construction navale ou dans son objectif final, l’invasion de l’Angleterre, la situation politique a changé du tout au tout puisqu’on est passé du Consulat à l’Empire, et d’une guerre contre la seule Angleterre à une guerre européenne, où le soleil d’Austerlitz masque quelque peu la ruine de la marine française à Trafalgar. Malgré cette défaite, ce projet de flottille d’invasion ne sera jamais véritablement abandonné par l’Empereur, puisque en 1807, puis 1811, les derniers avatars du camp de Boulogne verront le jour pour être abandonnés tout à fait en 1812. Quant aux bateaux plats eux-mêmes, certains seront détruits purement et simplement, d’autres finiront leur carrière comme bateaux de pêche ou pourriront dans les ports, sans avoir jamais servi de transport de troupes, usage pour lequel ils avaient été construits.

Le camp de Boulogne à la remise des légions d'honneur, le 15 août 1804. Propriété de l’auteur.

2 - L’étude historico-technique

Après la Révolution et le Directoire, le Consulat puis l’Empire ne voient pas d'autre moyen de mettre fin à la menace anglaise que d'envahir la Grande Bretagne. Muskeyn, un marin flamand, avait en son temps, apporté en France, divers plans de bateaux plats dessinés par Chapman et utilisés avec succès par la marine suédoise dans son conflit avec la Russie. Pierre Alexandre Forfait, un ingénieur constructeur de talent, se voit confier par Bonaparte le projet de bâtir une flottille capable de faire traverser la Manche à une armée d'invasion de près de 120 000 hommes. Elle comprend des bateaux canonniers, objets de cette étude mais aussi des prames, chaloupes canonnières, péniches et bateaux écuries, près de 2000 embarcations en tout. Le bateau canonnier ne sera pas sa plus grande réussite, Le navire est mauvais marcheur, dérive beaucoup. Il est en fait mal adapté à la navigation en Manche, une mer beaucoup plus dure que la Baltique.

La principale difficulté dans la reconstitution d'un de ces bâtiments est de rassembler suffisamment de documentation fiable. Les recherches effectuées nous ont permis de découvrir dans les différents centres d'archives du Service Historique de la Défense ainsi qu'à la Bibliothèque de Boulogne de nombreux plans et leurs variantes, tel que celui reproduit ici. Nous disposons également des devis de construction, d'installation et d'armement, permettant d'approcher au plus près ce que pouvait être ce bateau canonnier de l'an XII.  Nous avons eu également la chance de consulter à Nantes, un fond d'archives privée des anciens chantiers Crucy, constructeurs d'une cinquantaine des ces embarcations, pour ne rien dire de la très abondante correspondance de Bonaparte avant puis après son sacre, des ordres du jour de la flottille et de notre propre fonds privé de documentation. Ces différents documents montrent l’évolution et les tentatives d'amélioration de ce bateau au cours de son existence.

Bibliothèque de Boulogne - référence 36 184

Le bateau canonnier est une embarcation de 19,50 mètres, construit à plusieurs centaines d'exemplaires, marchant tant à la voile qu'à l'aviron. Il est malheureusement aussi mauvais marcheur à la voile, (le navire est sous toilé) qu'à l'aviron, la quasi totalité des fantassins embarqués n'ayant jamais été initiés à la nage sauf au cours de quelques rares entrainements..

Il peut embarquer 100 hommes et leur équipement, rechange compris quand Napoléon envisage dans certains de ses courriers, d'y entasser jusqu’à 130 soldats, en plus du reste (ravitaillement  complet, chevaux, canons…). Ce petit navire porte dans sa version la plus courante un canon de 24 sur l'avant et un Gribeauval calibre 8 sur l’arrière. Cette pièce de campagne doit être débarquée à l'arrivée sur les côtes anglaises. Le bateau embarque donc également deux chevaux qui seront attelés à l'avant-train du Gribeauval, embarqué lui aussi mais voyageant démonté. Au cours de son existence, le bateau sera souvent modifié, ajout de dérives latérales pour limiter la dérive, de fargues pour rehausser le franc bord, suppression du canot du bord, suppression de la cuisine etc.… Les plans du bateau décrivent cela précisément.

Napoléon devant un chantier de construction observe la côte anglaise.

Seule concession au modélisme, nous avons fait figurer la cuisine du bateau canonnier alors que les documents d’époque précisent que celle-ci a été supprimée !

 

Planche 16 de la monographie - Plan du pont

3 - Les plans

La dernière partie du livret est consacrée à la description des 28 planches de plans de la monographie. Ces planches y sont reproduites à échelle réduite et sont commentées par Denis Désormière, auteur des plans.

Imprimeur de métier, j’ai utilisé un logiciel spécifique à la profession et principalement destiné aux tracés en 2 dimensions. Une fonction permet malgré tout de créer un “effet 3D”, utilisée pour certains croquis.

L’ordre des planches est conçu dans une logique de travail permettant de réaliser le navire “en charpente”. Les couples de levée, de remplissage, ainsi que l’ensemble de la charpente sont détaillés.

Tel qu’il se présente, avec ses soixante-deux couples et ses trente-deux allonges, sa réalisation en “arsenal” peut présenter quelques difficultés mineures à des modélistes débutants. Néanmoins, il est envisageable de concevoir un modèle avec une coque fermée, s’appuyant uniquement sur les couples de levée et en fermant le navire devant et derrière avec deux “coquilles” pleines.

L’artillerie du bâtiment dans sa version la plus classique, celle que nous présentons, se résume à deux pièces : un canon de calibre 24 sur coulisses et un canon Gribeauval de campagne de calibre 8. On peut aussi envisager un armement différent,  avec un affût marin classique à la proue, soit encore avec un obusier ou une caronade à la poupe.

Le canon Gribeauval - Calibre 8

L’échelle choisie est celle du 1/36ème et donne un modèle de dimensions honorables. Aux modélistes préférant un navire de “belle taille” nous recommandons l’échelle du 1/24ème, plus appropriée. Il suffira pour cela d’appliquer aux plans présentés un coefficient de 1,5.

Le livret et les planches de plans sont présentés dans une jaquette cartonnée de belle qualité.

Un poster représentant le navire sous voiles est également disponible.